LE REVENU

 

 

 

 

 

 

 

 

            L’état structural obtenu après trempe étant généralement en équilibre métastable à la température ambiante, un réchauffage permettra, dans certaines conditions de rompre ce pseudo-équilibre et de faciliter le retour à une situation tendant vers l’équilibre.

            Ce retour plus ou moins partiel, constitue une phase importante dans les traitements d’amélioration des aciers, connue sous le terme plus général de revenus.

 

            L’état de trempe, trempe martensitique en particulier, avait contribué à obtenir une situation d’équilibre fortement perturbée et instable obtenue « artificiellement » par le contrôle de la vitesse de trempe, contrariant les lois de transformations normales.

            Cet état fortement métastable aura tendance dés la moindre modification d’un des facteurs d’équilibre ( équilibre fragile et précaire ) à évoluer vers un état plus stable et se rapprochant de plus en plus de l’état normal d’équilibre réalisé par un refroidissement lent.

           

Il est évident que, de tous les facteurs d’équilibre, le facteur thermique sera celui qui permettra l’évolution la plus souple.

            L’état trempé nous a donné un alliage très dur certes, mais aussi excessivement fragile, soumis à des tensions souvent considérables et rendant la pièce pratiquement impropre à son utilisation dans cet état, d’où l’impérative nécessité de rechercher un état plus conforme au but recherché.

            Nous constaterons également que parallèlement à cette évolution positive, le revenu ne s’accompagne pas obligatoirement d’une diminution de dureté mais au contraire, par une opération menée avec précision quant à la température choisie en particulier, on obtient dans les structures de revenu une dureté parfois supérieure à celle issue de la trempe ( cas des revenus de la martensite en particulier ).

 

A)    Le revenu de la martensite :

 

a)      Cas des aciers au carbone :

 

On met en évidence trois étapes bien distinctes dans le revenu de la martensite d’un acier au carbone, en fonction de la température :

 

1er Stade : entre 20°C et 200°C :

 

Au cours de cette étape, c’est l’élément en situation la plus instable dans la structure de trempe qui va chercher à évoluer. C’est le carbone qui va tendre a quitter les sites qu’il occupe préférentiellement dans la maille quadratique ( octaèdre central déformé ) de la martensite ( à condition que la teneur en carbone soit supérieure à 0,2% ).

On constate que jusqu’à 130°C la précipitation est faible, le carbone se contentant de faire mouvement vers les défauts lacunaires du réseau cristallin, la maille de martensite perd en partie son caractère quadratique, la dureté de l’acier évolue peu.

A partir de 130°C environ et jusque prés de 200°C, on assiste à une précipitation du carbure ε de formule Fe2C. Cette étape de revenu est marquée par une contraction volumique irrévérsible dont l’importance croît avec la teneur en carbone.

Au cours de cette première période de revenu, on assiste à une légère baisse de la résistance à la traction, par contre à une remontée très sensible de la limite élastique, provoquée par la relaxation des tensions localisées au niveau de la maille, résultat du mouvement des atomes de carbone, du site octaèdrique vers les lieux de précipitation du carbure ε. On constatera en outre une légère diminution de la dureté avec une amélioration des caractéristiques de ductilité.

 

2 ème Stade : entre 200°C et 300°C :

 

Durant cette période va se produire un phénomène très important : la décomposition de l’austénite résiduelle. On sait en effet que la trempe martensitique avait retenu, dans la violence de son cisaillement de la structure, une quantité importante d’austénite dites résiduelle. Cette austénite se trouvait alors, à température ambiante, dans une situation paranormale ; donc cherchant à évoluer à la moindre occasion, la modification du facteur d’équilibre température va le lui permettre.

Cette période marque la fin de la précipitation des carbures ε et le retour de la maille martensitique à sa forme cubique. De plus un nouveau carbure apparaît, c’est le carbure de HÄGG de formule Fe5C2.

Les propriétés de la martensite évoluent d’une manière très comparable à celles observées au dessous de 200°C.

 

3 ème Stade : entre 300°C et 450°C :

 

On assiste dans cette période, au retour complet de la maille martensitique à sa forme cubique, ainsi disparaît la forme quadratique déformée ;d’autre part disparaissent également les formes de carbures génèrés aux deux précédents stades pour aboutir à la forme la plus stable des carbures de fer : la cémentite : Fe3C.

Les précipités de cémentite formés durant cette période ont la forme de plaquettes qui sont d’autant plus grosses, que la température de revenu est plus élevée dans cet intervalle considéré. Cette phase est accompagnée d’une forte contraction volumique.

Au cours de cette période, on constate que les caractéristiques de résistance de la martensite décroîssent sensiblement tandis que les caractéristiques de ductilité s’améliorent généralement.

Au delà de 450°C, le revenu de la martensite d’un acier au carbone ne conduit qu’à un grossissement des plages de cémentite, avec tendance à la globularisation. Les caractéristiques de résistance vont diminuer avec augmentation de la ductilité au fur et à mesure de l’élévation de la température de revenu.

Il est bon de constater que les structures ferrite-cémentite obtenues par ce processus ont une résistance à la rupture fragile nettement supérieure à celles de même constitution, obtenues par une transformation dans le domaine des températures supérieures.

On considère en pratique que le domaine des revenus atteint un maximum aux environs de 650°C, au-dela on aborde le domaine des recuits développés dans les chapitre précédents.

 

 

 

 

b)     Cas des aciers alliés :

 

Il est à noter que pour les aciers alliés, on retrouve le déroulement de la cinétique des trois premiers stades, sensiblement identique à celle des aciers au carbone. La présence d’éléments d’addition peut, dans certains cas, venir légèrement modifier les limites de l’échelle thermique.

 

L’originalité rencontrée dans le revenu des aciers alliés, est engendrée par la présence d’éléments carburigènes tels que : Cr , Mo , V , Nb , W , Ti , … mis initialement en solution lors de la phase d’austénitisation.

 

Ces éléments vont faire apparaître une nouvelle évolution, à des températures supérieures à 450°C, dont la manifestation la plus sensible sera l’augmentation de dureté : c’est le phénomène de durcissement secondaire , ou 4ème stade de transformations au revenu.

 

Cet effet est dû qu’à ces températures, la diffusion des atomes des éléments carburigènes devient possible et la très grande affinité de ces atomes pour le carbone peut se manifester. On assiste alors à un échange de carbone entre la cémentite et les éléments carburigènes, à terme, la cémentite disparaît laissant place à des carbures plus stables et beaucoup plus durs.

 

Cette réaction d’échange a lieu dans un domaine compris entre 450°C et 600°C, aux plus basses températures de cet intervalle, elle provoque l’apparition de très fins précipités, ayant un effet durcissant faible au début puis progressivement plus important, pour atteindre des niveaux de dureté très élevés entre 500°C et 600°C, toutefois il faut éviter les maintiens au-delà de 550°C, car il y à risque de coalescence des carbures engendrant progressivement un adoucissement de la structure. Notons également que la présence unique de chrome, donnant une précipitation de carbures de type Cr7C3, n’engendrera pas de durcissement secondaire, et ne fera que retarder légèrement le processus d’adoucissement au revenu, la coalescence de ce carbure est d’autre part plus précoce que celle des autres, c’est pourquoi il conviendra d’éviter d’effectuer des revenus trop élevés en température, si l’on veut conserver l’acquis de dureté issu de la trempe.

 

Notons également que certains éléments non carburigènes peuvent néanmoins agir sur leur précipitation au cours de ce stade, le Cobalt à cet égard s’avère très actif, même en très petites teneurs.

 

Alors que l’échelle des températures aura une importance essentielle sur le résultat obtenu, par contre le temps de maintien aura une incidence nettement moins marquée, et dans tous les cas au minimum d’une heure ( temps général appliqué à tous les revenus .)

Il est prouvé que c’est dans la première demi-heure de maintien que la dureté est susceptible de diminuer, ensuite la diminution est très faible.

 

La vitesse de refroidissement n’a théoriquement aucune influence sur les caractéristiques des aciers au carbone, cependant il est bon de ne pas refroidir très rapidement, ce qui risquerait d’avoir pour effet de faire réapparaître des contraintes internes entraînant, sinon une fragilité du moins des risques de déformations internes et externes des pièces traitées.

 

A)    Le revenu de la bainite :

 

On admet que l’évolution de la bainite au cours du revenu est sensiblement comparable à celle d’une martensite ayant déjà subi un revenu et présentant son carbone sous la forme qu’il offre dans la bainite. Toutefois en ce qui concerne le durcissement secondaire il est beaucoup moins sensible.

On considère que tant que la température de revenu n’atteindra pas la température de formation de la bainite, il ne se formera que des transformations insignifiantes, au-delà on retrouvera les stades correspondants à l’étude du revenu de la martensite, aux mêmes températures.

 

B)    Phénomènes de fragilité après revenu :

 

Parmis les caractéristiques mécaniques susceptibles d’être améliorées par le revenu, la résilience tient une place très importante. Pour tous les aciers non alliés et beaucoup d’aciers alliés, l’augmentation de l’allongement à la rupture et de la striction, est accompagnée après revenu d’une augmentation de la résilience.

Certains aciers alliés constituent des exceptions à cette règle, ils sont sensibles à la fragilité de revenu ( appelée aussi maladie de KRUPP ), la résilience de ces aciers étant liée à la vitesse de refroidissement après revenu.

 

Lorsque l’on refroidit rapidement depuis la température de revenu, la résilience conserve sa valeur normale, en cas de refroidissement lent, la résilience finale à température ambiante chute.

 

Il à été montré que la fragilité de revenu de ces aciers augmente avec la température de revenu, et avec la teneur en carbone. Les éléments d’alliage CR , Mn , ainsi que les impuretés P , N , As , B et Sb augmentent le risque , tandis que la présence de Mo ou W le supprime pratiquement.

 

Différents processus peuvent engendrer cette fragilité, la précipitation de constituants plus durs, donc moins ductiles en situation intergranulaire en est semble-t-il la cause principale .Cet état provoquant des ruptures fragiles intergranulaires ( ou intercristallines ). A cela s’ajoute la présence de décohésions le long des anciens joints des grains d’austénite.

 

Le caractère principal de cette fragilité est sa réversibilité , qui permet de faire disparaître toute fragilisation par un chauffage à une température supérieure à 600°C avec ensuite refroidissement rapide . Ce chauffage ne provoquant pas le moindre adoucissement.

 

On caractérise la sensibilité à la fragilité de revenu en comparant les courbes de transition de la résilience d’un acier après avoir soumis la structure issue de la transformation γ – α aux traitements suivants :

 

-          Traitement I : revenu à une température supérieure à 600°C, avec refroidissement rapide.

-          Traitement II : traitement I + chauffage longue durée (4H) à 490°C

-          Traitement III : traitement II + chauffage ( de 15 à 30 min ) à une température supérieure à 600°C mais inférieure à la précédente.

 

Les caractéristiques de résistance de l’acier doivent être les mêmes après ces trois traitements, sinon il conviendra de modifier la température du traitement I ( l’augmenter ) pour rendre la structure insensible lors du chauffage du traitement II.